Recours au TF rejeté
Le 28 mars 2011, les EMS membres de l’ANEDEP (Association Neuchâteloise des Directeurs d’Etablissements médico-sociaux Privés) recourraient contre un Arrêté du Conseil d’Etat fixant les tarifs des soins de longue durée dispensés en EMS. Le recours soumettait l’Arrêté à un contrôle abstrait, c’est-à-dire qu’il portait sur la conformité aux droits constitutionnels de la disposition attaquée, au contraire d’un contrôle concret, lequel conteste les conséquences pour un justiciable de l’application d’une mesure.
Les recourants s’opposaient une tarification normative adoptée par notre canton, laquelle prévoit trois tarifs de soins moyens, différents suivant que l’EMS applique :
- la Convention collective de travail CCT santé 21,
- les conditions générales de travail de l’ANIPPA ou
- qu’il ne relève d’aucune de deux catégories susmentionnées (soit les EMS privés non affiliés à l’ANIPPA).
En l’état, l’Arrêté fixe des tarifs de soins moyens en fonction de conditions salariales qui présentent une différence de 35 % entre le tarif accordé à un EMS public appliquant la Convention collective CCT santé 21 et un EMS privés non affilié à l’ANIPPA, la différence étant de 30 % entre un EMS public et un EMS membre de l’ANIPPA. Ce qui impliquerait dans les faits des différences de salaires de 35 %, respectivement 30 %, suivant que l’on travaille dans un EMS public ou privé. Ce qui est difficilement envisageable.
Selon les recourants, la tarification normative appliquée dans l’Arrêté contrevenait à l’article 25a al. 5 LAMal qui fixe l’obligation pour les cantons de prendre en charge les coûts de soins non couverts respectivement par les assureurs et les résidents d’EMS. En outre, ils estimaient que l’Arrêté portait atteinte aux principes constitutionnels de l’égalité de traitement (art. 8 Cst) et de l’interdiction de l’arbitraire (art. 9 Cst). Et finalement, ils contestaient une mesure visant à étendre indirectement le champ d’application de la Convention collective de travail CCT santé 21.
Le 23 décembre 2011, à l’issue d’une audience publique de deux heures, le recours interjeté était rejeté par trois juges fédéraux contre deux.
Si le TF rappelle que « le montant résiduel des coûts des soins qui n’est pas remboursé par l’assurance obligatoire des soins, ni pris en charge par l’assuré, devra être pris en charge par les collectivités publiques (canton ou communes) », il est de l’avis qu’il n’est pas clairement défini si la disposition de la LAMal « implique un remboursement individualisé des coûts résiduels présentés par chacun des EMS, ou si elle s’accommode aussi de l’adoption d’une tarification forfaitaire de la part cantonale ». Le TF arrête donc que « au vu des opinions divergentes, exprimées au sein de l’Assemblée fédérale et de sa volonté de donner aux cantons – dans le respect du fédéralisme – les outils pour endiguer les coûts des soins tout en assurant la pérennité de leur prise en charge effective, force est de constater que l’art. 25a LAMal ne fait pas par principe obstacle à la fixation de tarifs forfaitaires par les cantons, en dépit du schématisme qui est inhérent à cet instrument ».
S’agissant des différences des tarifs (CCT santé 21 / ANIPPA / Autres), le TF n’est en revanche pas du tout convaincu par la solution du canton de Neuchâtel, surtout que les « écarts entre les tarifs appliqués aux EMS observant la CCT santé 21 et les autres EMS sont significatifs ». Le TF constate que « la différence est injustifiée, qu’elle suppose connaitre précisément les différents niveaux salariaux des EMS et être en possession d’éléments détaillés permettant de qualifier de disproportionné les chiffres retenus par le canton ». Malheureusement pour les recourants et vu que l’on n’a pas de chiffres à disposition, « les seules données statistiques et pronostics fournis par les parties faisant recours – qui se rapportent à 2009 – ne sont pas suffisants » pour prouver le contraire…
Il ressort donc des considérants de l’Arrêt du TF du 23 décembre 2011 que :
- les collectivités publiques doivent couvrir les coûts de soins effectifs des EMS (art. 3.4),
- les cantons peuvent mettre en place une tarification normative établie en fonction des conditions de travail (art. 3.6 et 6.5.3),
- un EMS peut individuellement entreprendre une démarche pour le cas où ses frais effectifs ne seraient pas couverts (art. 4.3),
- un recours pourrait être interjeté sur la base d’une situation concrète auprès d’une instance juridique cantonale (art. 6.4),
- pour se voir octroyer des tarifs plus élevés, il n’est pas nécessaire d’adhérer à une association ou à une CCT ; seul l’application des CGT prévues est exigée (art. 7.4),
En aparté, il importe de relever que la tarification adoptée par le canton de Neuchâtel est inflationniste car elle offre une situation de rente aux EMS qui présentent les coûts de soins les plus élevés… ! Lesquels n’ont en outre aucune obligation de rembourser des couvertures de soins immanquablement excédentaires du fait que la tarification normative fixe des tarifs moyens, ce qui présuppose que, pour chaque catégorie, certains EMS seront en dessous et d’autres… en dessus du tarif moyen.
Rétrolien depuis votre site.