LFinEMS : une Loi pour une étatisation – à plusieurs vitesses – du secteur médico-social ?
La Loi sur le financement des EMS (LFinEMS) a été adoptée le 28 septembre 2010 par 86 voix contre 2 oppositions. En raison des problèmes qu’elle occasionne, l’ANEDEP (Association Neuchâteloise des Directeurs d’Etablissements médico-sociaux Privés) a décidé de lancer un référendum contre cette Loi. L’ANEDEP est consciente de mettre le monde politique – et l’administration – dans l’embarras. Mais le plus embarrassant ne serait-il pas de se retrouver dans quatre ans avec l’obligation d’adopter un plan d’assainissement des EMS, à l’instar de celui que le Grand Conseil doit prochainement débattre pour NOMAD ?
La première chose qui interpelle le citoyen ordinaire, c’est le résultat du scrutin. Hormis le fait que cette Loi n’a été ratifiée que par 3 député(e)s sur 4 (88 député(e)s sur 115…), il est insolite de constater qu’elle a été adoptée à la quasi unanimité des député(e) présent(e)s. En l’occurrence, le score indique que la droite politique a voté l’étatisation du secteur-médico social (après celui des hôpitaux, des soins à domicile et de la psychiatrie) avec le même enthousiasme que la gauche met à creuser encore davantage le déficit structurel de l’Etat. A moins que ce ne soit le contraire, on ne sait plus…
Au-delà de ces considérations générales qui contribuent tout au plus à expliquer la regrettable perte de confiance de notre citoyen ordinaire en ses élus (de droite, comme de gauche, si l’on en croit le taux de participation anémique aux récentes élections complémentaires au Conseil d’Etat), l’ANEDEP a lancé son référendum pour des raisons plus sérieuses. Il en existe deux.
Premièrement, la LFinEMS, en l’état, est mauvaise : un même prix de pension moyen pour tous les EMS sans reconnaissance du moindre critère de qualité et sans aucune ressource prévue pour assurer le financement de la formation continue des personnels, cela équivaut à planifier la médiocrité. Comment, dans de telles conditions, sera-t-il possible de continuer de fournir les prestations dont nos aîné(e)s ont besoin ? Comment imaginer que de telles dispositions ne vont pas s’exercer au détriment des collaborateurs des EMS, qui risquent malheureusement de subir le même sort que ceux de cet organisation sensée être le « pilier central » du système sanitaire cantonal ?! En l’occurrence, notre canton est le seul canton suisse, à ma connaissance, à se doter d’une loi ayant pour buts de promouvoir la qualité et la formation continue tout en omettant malencontreusement de faire figurer ces objets dans ses articles…
La deuxième raison pour laquelle le référendum a été lancé réside dans l’incohérence qui caractérise la LFinEMS. Au départ, elle prévoyait d’introduire un même prix de pension moyen pour tous les EMS sous le prétexte aussi farfelu que kolkhozien qui voudrait que tous les EMS fournissent les mêmes prestations. C’est comme d’affirmer en effet que tous les hôtels devraient pratiquer le même prix de nuitée du fait qu’ils offrent tous une chambre pour la nuit… Evidemment que tous les EMS n’ont pas la même organisation et qu’ils ne proposent pas le même accompagnement de personnes en fin de vie, ni la même capacité à prendre en charge la douleur de leurs résident(e)s. Mais là où l’affaire devient ubuesque, c’est lorsque la LFinEMS, dans son article 24, introduit le principe selon lequel les EMS appliquant la convention collective de l’Etat CCT santé 21 ont droit – dans tous les cas – à une tarification supérieure à tous les autres EMS. En d’autres termes, la LFinEMS énonce le principe qui voudrait que tous les EMS sont égaux, mais que certains EMS sont plus égaux que les autres !
Comment justifier que les résident(e)s qui n’auraient pas la chance d’être hébergé(e)s dans des EMS d’Etat – forcément de meilleure qualité du moment qu’ils appliquent la coûteuse CCT santé 21… – soient au bénéfice d’une tarification insuffisante à financer les prestations dont ils ont besoin ?! En l’occurrence, le législatif cantonal a réussi la prouesse d’introduire dans cette LFinEMS incohérente et mal fichue les bases d’un système médico-social non pas à deux, mais à trois vitesses : un tarif complet pour les EMS de l’ANEMPA, un tarif légèrement inférieur pour ceux de l’ANIPPA et un tarif encore plus bas pour les « autres EMS », soit ceux de l’ANEDEP. Au passage, cette savante distinction – qui fera l’objet d’un recours au TF, à n’en pas douter – explique que l’association d’EMS privés ANIPPA se soit abstenue de soutenir le référendum de leurs collègues de l’ANEDEP… Du moment qu’on leur a fait miroiter qu’ils pourraient faire partie des EMS « presque plus égaux que les autres », les naïfs directions d’EMS de l’ANIPPA ont manifestement choisi de rester courageusement neutres.
Comprenons-nous bien : une LFinEMS est nécessaire. Mais en aucun cas sous cette forme ! Nous émettons l’hypothèse que les député(e)s du Grand Conseil ont été massivement induits en erreur. Comme avec cette structure supposée être « la pierre angulaire » de notre système de soins… Il n’y a pas d’autre moyen pour expliquer qu’ils/elles aient adopté une attitude aussi incompréhensible qu’inexplicable. A droite, comme à gauche de l’échiquier politique.
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