Editorial : Arrêt sur image
Depuis trois mois qu’il est en ligne, le site neuch-a-venir a reçu plus de 4000 visiteurs, une fréquentation qui témoigne du grand intérêt manifesté pour la problématique de la santé dans le canton de Neuchâtel. Cette bienveillante attention est vraisemblablement imputable à l’incidence des coûts de soins sur le déficit cantonal, d’une part, et à la charge imposée aux ménages par les primes d’assurance maladie et les impôts, d’autre part.
Dans l’introduction du présent site, nous présentions le système de santé comme un grand théâtre, avec sur scène des malades et des soignants, et dans lequel on joue une pièce très ancienne dont le sujet est toujours la souffrance et la mort. Nous exprimions aussi notre souhait de permettre au public de cette antique pièce de théâtre de s’exprimer sur le scénario, la mise en scène et sur le jeu des acteurs. Aujourd’hui, le théâtre est en plein chantier et on prétend que tout y est fait pour que les désirs du public soient satisfaits. Ce qui laisse à la fois supposer que ce n’était pas le cas hier, et que ce ne sera pas forcément la cas demain, quoi qu’en disent les architectes de la transformation en cours. Dans la mesure où les divers professionnels de la scène ne sont jamais consultés ensemble, il est en effet à craindre que les rénovations en cours ne s’influencent négativement les unes sur les autres, et que ce soit, au final et comme d’habitude, au détriment du public.
Aussi coûteux et inefficace qu’il soit, nous considérons que nous avons le système de santé que nous méritons, et il est de notre responsabilité personnelle de transcender nos craintes pour exprimer les réserves que son organisation suscite. Il appartient à chacun de choisir entre la peur de s’exprimer – et de s’exposer à d’éventuelles mesures de rétorsion – et la crainte que ne perdure cette pitoyable situation qui dure depuis bientôt une dizaine d’années.
Trois mois d’observation, c’est donc l’occasion de faire un bilan provisoire des mesures qui ont été prises dans les divers secteurs du système sanitaire, et aussi de se risquer à formuler quelques hypothèses quand à ce qui nous attend d’ici la fin de l’année, d’ici à l’élaboration du périlleux budget cantonal 2007. Comme précédemment, nous nous appuierons sur une analyse systémique de la situation privilégiant le principe d’entropie, lequel veut que le désordre doive s’accroître, l’information se perdre et l’instabilité disparaître, ou, pour simplifier à l’extrême, que tout système aille immanquablement vers une dégradation naturelle. Faute de prendre en compte l’entropie du système, l’assainissement des finances publiques risque d’aboutir à un démantèlement des systèmes sociaux, sanitaire et éducatif, et à un appauvrissement des citoyens. C’est aussi l’entropie du système qui explique que les solutions d’aujourd’hui engendreront les problèmes de demain, à l’instar des problèmes d’aujourd’hui qui résultent des mauvaises solutions d’hier !
Pour se faire une idée du système sanitaire et de son évolution, il est temps maintenant de passer en revue la situation des différents éléments du système de soins, tout en essayant de prévoir ce qui nous attend au coin du bois.
Politique sanitaire
Dans un article publié sur le présent site, nous postulions que le seul problème en ce qui concerne la politique sanitaire cantonale, c’est l’absence de politique sanitaire pour deux raisons :
– le manque de réflexion stratégique qui mette en corrélation les ressources disponibles avec les contraintes d’un environnement en pleine mutation, et
– le champ laissé libre par le pouvoir politique est occupé par une administration qui se caractérise par un défaut de perspective systémique appliquée à la recherche des solutions et une mauvaise circulation de l’information, lesquels augmentent naturellement l’entropie du système (sa tendance inéluctable à aller vers une dégradation accrue).
De l’avis de Jean-Pierre Authier, président du Conseil d’administration du nouvel « Hôpital neuchâtelois » (en remplacement de l’EHM), la politique sanitaire existe bel et bien, dès lors que notre canton est doté d’une loi de santé depuis 1995, qu’une planification sanitaire a été élaborée en 1999 par le Grand Conseil et que des mesures structurelles et organisationnelles sont en voie d’application, en particulier dans le secteur hospitalier.
Nous persistons à croire qu’une véritable politique sanitaire présuppose obligatoirement que l’on dispose d’une vision de ce que pourrait être le système de santé cantonal à cinq, dix, ou quinze ans. Or, une telle vision n’existe pas, ou alors elle nous est soigneusement dissimulée. Le fait de disposer d’un cadre légal et règlementaire, voire d’une planification sanitaire, ne signifie aucunement que nous ayons une véritable politique sanitaire. Des instruments de gouvernance ne sauraient masquer l’absence de vision stratégique.
Au demeurant, nous postulons que la détermination d’une politique sanitaire cantonale passe inévitablement par la réunion des états généraux de la santé, davantage que par les options « démocratiquement » imposées par quelques personnes dont le degré de prédictibilité quant à l’évolution du système est faible, dès lors qu’ils ne comprennent pas comment les systèmes se comportent, qu’ils ignorent les principes qui les animent et qu’ils ne mesurent pas la portée des mesures qu’ils adoptent.
Administration
Dans le canton de Neuchâtel, le service de la santé publique est la seule structure du système sanitaire à ne pas faire l’objet de restructuration ; c’est aussi le seul service de l’Etat à ne pas subir d’examen de son fonctionnement. De là à imaginer qu’il y a des choses à cacher… Bien sûr, on affirme en haut lieu que le service est en train d’effectuer sa « mue », mais même après avoir mué, un serpent reste un serpent, et le service de la santé publique demeurera un état dans l’Etat.
Une demande d’audit du fonctionnement du service de la santé publique a été adressée au Conseil d’Etat au moyen d’une pétition munie de 939 signatures. Cette demande est en train d’être examinée. Nous sommes d’avis qu’un audit du service est un exercice nécessaire compte tenu de l’inefficacité, de l’arrogance et de l’iatrogénie des dispositions qu’il prend. Son inefficacité provient des dispositions inappropriées, dépourvues de valeur ajoutée et coûteuses pour le système. Son arrogance tient au fait qu’il estime implicitement inutile de mesurer les conséquences sur les personnes et sur les coûts des mesures apportées à pallier les déficiences du système : un fonctionnaire n’a pas de compte à rendre à quiconque. Le caractère iatrogénique est constitué des effets contreproductifs pour le système et les citoyens, des effets secondaires toxiques des décisions prises.
A titre d’exemple de gestion dispendieuse, dans le domaine médico-social, les montants dépensés par le service de la santé publique pour la couverture des déficits des homes publics et le subventionnement LESPA dans les homes tant publics que privés, est passé de 8.5 millions en 2000 à 16.2 millions en 2004. Fait insolite – et inexpliqué à ce jour – ces montants croissent de 20% chaque année, alors que l’inflation est inférieure à 2% ! Indiscutablement, la gestion du service est d’une calamiteuse inefficience au point que la seule solution réaliste serait de lui retirer toute compétence en matière de gestion financière.
Sans audit du fonctionnement du service, les coûts de soins ne baisseront pas. Étrangement, tous les projets de restructuration (hôpitaux, soins à domicile, psychiatrie) menés par le service se caractérisent par la création de superstructures étatiques, alors que le déficit cantonal est structurel… De ce point de vue, l’inefficacité, l’arrogance et l’iatrogénie sont les marques de fabrique du fonctionnement d’un service administratif dont chaque réforme représente assurément une nouvelle opportunité d’étendre son influence, sa taille et son contrôle sur les activités.
En mars de cette année, du fait qu’il a pris l’habitude de gérer souverainement le système médico-social, le chef administratif du service de la santé publique s’est permis de se substituer également à la justice : il décidait unilatéralement de suspendre le versement de toute participation LESPA aux résidents subventionnés hébergés par trois homes privés, au motif que l’Etat avait une créance à l’égard de ces établissements. Suite au recours interjeté par l’un de ces homes, le 26 juin, le Tribunal administratif annulait cette décision et allouait à l’institution recourante une indemnité de dépens de frs 1000.–. A supposer qu’il y ait un litige entre l’Etat et un home, il est incompréhensible, inadmissible et scandaleux que l’ancien chef du service de la santé prenne des résidents subsidiés en otage de ses contestables et contestées dispositions.
Aujourd’hui, il est impératif que la classe politique se réapproprie sa place : la santé est une question politique qui a besoin de citoyens et de communautés, et qui n’a pas besoin des coûteux et arrogants diktats d’une petite caste de fonctionnaires dont le principal souci est de garantir leurs postes. Cette dernière remarque vise essentiellement les cadres du service ; les collaborateurs de base font un excellent travail et sont, semble-t-il, victimes d’un climat de travail qui devient de plus en plus délétère.
Hôpitaux
L’Etablissement Hospitalier Neuchâtelois (EHM), voté en 2004, vient d’être remplacé par un nouvel « Hôpital neuchâtelois », dont les locaux viennent d’être installés en lieu et place des salles d’opération de l’Hôpital de Landeyeux. Si nous savons que le mobilier ne vient pas de chez Ikea, nous ignorons en revanche combien a coûté le rachat par l’Etat des divers hôpitaux qui composent l’Hôpital neuchâtelois, et à combien s’élèvent ses frais de fonctionnement. Secret défense ! Nous sommes simplement informés que l’hôpital neuchâtelois a pu se mettre en place sans augmentation des niveaux hiérarchiques (c’est à dire sans incidence négative sur la circulation de l’information) et sans l’engagement de nouveaux collaborateurs, autres, naturellement, que ceux du directeur général, du directeur médical et de l’ensemble du conseil d’administration…
Appliquer des solutions structurelles simplistes à des problèmes systémiques complexes en augmentant la structure hospitalière de deux niveaux hiérarchiques témoigne autant d’une carence conceptuelle que d’une approche réductionniste qui expliquent que notre canton est depuis trop longtemps parmi trois ou quatre cantons les plus chers de Suisse en coûts de soins. Ce n’est en effet pas en accroissant le nombre de niveaux hiérarchiques d’une structure qu’elle acquiert davantage d’efficacité et d’efficience. Ou alors, ça se saurait…
Nous serons convaincus du bien-fondé de cette « restructuration » le jour où des progrès seront imputables à l’Hôpital neuchâtelois qui n’auraient pas été possibles sans cette superstructure. Centraliser les achats ou se doter d’un seul centre de formation continue (par ailleurs sans objet, pour cause de restrictions budgétaires…) ne nécessitent en effet pas la création d’une coûteuse superstructure. Pour l’heure, il apparaît que la principale contribution de la nouvelle organisation consistera à réduire les effectifs hospitaliers d’environ 10% d’ici 2009, une tâche qui pourrait du reste être réalisée sans la création de l’Hôpital neuchâtelois…
Soins à domicile
Le Conseil d’Etat fait du maintien à domicile la base de sa législature : le projet NOMAD – Neuchâtel Organise le Maintien A Domicile – actuellement en consultation vise à réunir dans une structure cantonale les différentes fondations de soins à domicile. Ce projet à l’appellation équivoque est supposé constituer la panacée qui permettra de réduire à la fois les durées d’hospitalisation et les coûts des homes.
NOMAD se présente comme un projet technocratique et bancal qui fait l’impasse sur la définition des besoins de la population auquel il prétend répondre. Du point de vue de la gestion de projet, présenter une solution sans avoir préalablement évalué les problèmes à résoudre ou les besoins à satisfaire (qui sont les deux faces de la même pièce de monnaie) engendre des risques non plus possibles, mais probables d’échec. Aucun projet sérieux ne peut se dispenser d’une analyse des besoins, du moins dans l’économie privée. Par ailleurs, le projet NOMAD est une solution structurelle aussi simpliste que coûteuse à un problème systémique complexe ; tant que cette dimension n’aura pas été intégrée dans les réflexions, nous continuerons d’avoir un système sanitaire inefficace et inefficient.
Les professionnels de la branche n’ont pas eu besoin du projet NOMAD pour favoriser au maximum le maintien à domicile avec dévouement et compétence. Ce qui ne les empêche pas de se heurter journellement à l’écart qui sépare ce qu’une personne désire de ce dont elle a besoin, écart qui, malheureusement, se creuse encore en cas de désorientation psychique. Ce que les professionnels disent depuis longtemps, et peinent à faire comprendre aux fonctionnaires, c’est qu’au-delà des structures, c’est le passage de l’une à l’autre, l’amélioration de la transversalité à l’intérieur du système qui est essentielle.
Inspiré du concept EHM – naturellement, puisque ce sont les mêmes concepteurs… – le projet NOMAD postule, encore et toujours, que la seule chose à faire est de créer une lourde et coûteuse structure cantonale à laquelle il suffira de confier le soin de définir les problèmes et d’estimer le coûts des solutions à appliquer. En réalité, la problématique ne peut pas être abordée autrement qu’en se posant la question de savoir quel lieu de vie correspond le mieux aux besoins complexes et très diversifiés des personnes âgées, dans un contexte où désirs et besoins sont souvent divergents.
S’agissant du financement du projet (élément sur lequel la population n’a, pour des raisons évidentes, aucune précision), il faudra bien, compte tenu de l’état des finances cantonales, économiser ailleurs, en particulier en supprimant les subsides des soins à domicile de la Croix-Rouge – qui sont les seuls à offrir des prestations de veille et de baby-sitting – ce qui aura par ailleurs pour effet de mettre au chômage une vingtaine de personnes, et également en mettant à la charge des homes la diminution des subsides de l’Etat aux personnes âgées financièrement défavorisées qu’ils hébergent. C’est donc en privant la population d’indispensables prestations existantes que l’administration compte réaliser son projet NOMAD !
Le projet NOMAD, compte tenu du transfert de charge de l’Etat sur les caisses, ne va certainement pas contribuer à faire baisser nos primes d’assurance maladie. Et il renforce par là les chances du canton de Neuchâtel de redevenir le troisième canton le plus cher de Suisse en ce qui concerne ses coûts de soins.
Homes
{mosimage}Au mois d’avril 2006, le Conseil d’Etat promulgue un arrêté qui réduit de 9% les subsides des résidents au bénéfice de la participation LESPA. Cette réduction est complétée par une mesure de protection tarifaire (obligation faite aux homes de prendre à leur charge la réduction de subsides) qui aboutit au fait que la réduction ne touche pas les résidents subsidiés, et que l’effort financier est supporté au final par les homes privés qui les hébergent.
Les conséquences de cette mesure sont les suivantes
1. mise en place d’un système médico-social à deux vitesses, avec des tarifs différents pour les pauvres et pour les riches, et, partant, des risques que les prestations fournies soient également différenciées ;
2. réduction des effectifs dans certains homes, ce qui influence négativement la capacité à fournir les prestations attendues ; un projet en phase de consultation de modification du règlement d’exécution aboutirait à une réduction de 5% de la dotation socio-hôtelière des homes, ce qui permettrait, toutes institutions confondues, une réduction d’une centaine de postes dans le canton. Tout en restant dans la légalité des dotations minimales imposées…
3. renonciation de la part des homes à dorénavant héberger des personnes subsidiées ; du fait que le système du subventionnement LESPA est actuellement utilisé par l’administration pour faire pression sur les homes, de nombreuses institutions privées n’hébergent dorénavant plus de personnes subventionnées.
Quant au scandale de l’inspection des homes – source de l’augmentation des subsides LESPA mentionné plus haut – il ne fait pas plus l’objet de réforme que d’autres dispositions administratives qui ont un effet inflationniste avéré.
Pour financer la réalisation de NOMAD, les autorités affirment que le canton de Neuchâtel dispose statistiquement, d’environ 200 lits médico-sociaux excédentaires, alors que le taux actuel d’occupation des homes est de 98% à 99%, et que notre canton compte quelque 1900 octogénaires se plus en 2005 qu’en 1990… S’il y avait véritablement pléthore de lits médico-sociaux, pourquoi ne ferme-t-on pas quelques homes publics ? Et s’il y avaitvéritablement surcapacité médico-sociale, pourquoi existe-t-il un projet visant à mettre Frs 130.– à la charge des personnes âgées encore hospitalisées, alors qu’elles n’ont plus besoin de soins aigus et qu’elles sont en attente d’une place disponible dans un home ?!
Psychiatrie
Un projet va prochainement être mis en consultation qui consiste en une « cantonalisation » – un terme inventé par les technocrates pour désigner une étatisation cantonale – des soins psychiatriques. Comme pour les soins aigus ou à domicile, il apparaît qu’une réorganisation doive fatalement passer par la création d’une coûteuse superstructure à laquelle sera confié le soin de définir les besoins de la population et de calculer les coûts de réalisation. Comme d’habitude, plutôt que de réorganiser le secteur et de mettre les sites en réseau, la solution oscillera entre « plus d’Etat » et « Y a qu’à ».
N’ayant pas encore pris connaissance du détail du projet, il ne nous est toutefois pas possible d’en parler en détail. Mais nous avons néanmoins pu lire dans la presse qu’il est prévu de déplacer l’activité stationnaire (c’est-à-dire diminuer le nombre de lits) vers l’ambulatoire, secteur trop peu développé aux dires des auteurs du projet. Nous espérons, à cet égard, que le projet aura pris en compte les velléités du législateur fédéral de limiter, à partir du 1er juillet 2006, le nombre de consultations psychiatriques, à la fin de réduire les coûts de la santé. En effet, sur pression des assureurs, l’OSFP introduit une nouvelle ordonnance qui exige des psychiatres qu’ils adressent un rapport au médecin conseil des caisses au bout de dix séances -au lieu de soixante comme précédemment – pour déterminer s’il s’agit d’une prise en charge psychothérapeutique ou non.
Au demeurant, le docteur Ralph Winteler, ancien médecin-chef de l’hôpital de Perreux, posait récemment dans la presse locale la question de savoir si le transfert envisagé aboutira véritablement à des économies. A moins que ce tour de passe-passe ne soit l’occasion pour les autorités de discrètement réduire la « masse salariale »…
A une époque où les problèmes psychiatriques augmentent notablement au point qu’ils sont à la base du quart des nouvelles demandes de rentes AI, et compte tenu de ce que nous avons pu observer dans les autres secteurs de la santé, nous craignons surtout de nous retrouver face à un projet qui fait, une fois encore, l’économie d’une analyse des besoins de la population.
Soignants
Du fait de la situation économique, l’application de la CCT 21 est partielle : les soignants travaillent moins longtemps, mais ils sont le même nombre, si bien que leurs conditions de travail ont davantage tendance à se péjorer qu’à s’améliorer. Quant à leur revalorisation salariale – pourtant prévue dans la CCT 21 – ils comprendront sans doute, aux dires du gouvernement, qu’il faille attendre des temps meilleurs.
Il apparaît en outre que le personnel des institutions de soins (hôpitaux et homes publics) sera appelé à apporter une contribution supplémentaire à l’assainissement des finances cantonales : l’Etat veut économiser 25 millions d’ici 2009, ce qui représente environ 10% des effectifs existants. C’est donc le personnel soignant qui s’apprête à faire les frais de la mauvaise gestion du système de santé.
Conclusion
Au final, tout indique que les réformes en cours dans le canton de Neuchâtel – qui semblent tenir lieu de politique sanitaire – privilégient des solutions structurelles qui ignorent les problèmes systémiques de circulation des personnes entre les structures de soins que sont, par exemple, le domicile, l’hôpital et le home ; l’approche structurelle ne prend pas en compte les besoins en soins de la population ; les coûts des restructurations ne font l’objet d’aucune évaluation ; la réforme en cours va se faire sur le dos des divers professionnels de la santé par le biais de réductions d’effectifs. Au demeurant, il est illusoire d’appliquer des solutions structurelles lorsque les problèmes sont organisationnels ou systémiques. Manifestement, quand on n’a qu’un marteau, on traite tous les problèmes comme des clous.
Compte tenu des coûts élevés de notre système de soins et du caractère boiteux des réformes en cours, un audit du fonctionnement du service de la santé publique, histoire de remettre l’administration au service des citoyens, est une condition préalable et indispensable pour améliorer l’efficacité et l’efficience du système sanitaire. Avant de restructurer le système, il convient de réorganiser l’organisme qui restructure…
De surcroît et alors qu’il est admis que le déficit cantonal est structurel, c’est-à-dire qu’il se caractérise par une structure administrative sans rapport avec les besoins et les ressources disponibles, la réforme du système de santé passe par un accroissement du poids de l’Etat. Les coûts engendrés par le « trop d’Etat » peuvent-ils être réduits par des solutions de type « plus d’Etat » ?!
Il apparaît de plus en plus que « plus d’Etat » et « Y a qu’à… » sont les deux mamelles qui nourrissent les réformes en cours :
– les coûts de soins sont trop élevés, il suffit de maintenir les personnes à domicile ;
– on ne pourra peut-être pas couvrir tous leurs besoins à domicile, il suffit de faire appel aux familles et aux voisins ;
– on n’a pas d’argent pour financer le maintien à domicile, il suffit de supprimer les soins à domicile de la Croix-Rouge et quelque 200 lits médico-sociaux ;
– les personnes âgées hospitalisées ne trouvent pas de place dans les homes (…!), il suffit de leur faire supporter les coûts de leur hospitalisation ;
– certains hôpitaux présentent des problèmes d’intégration dans le système, il suffit de créer des superstructures étatiques pour améliorer la mise en réseau ;
– le secteur psychiatrique doit être réorganisé, il suffit de développer une hypothétique prise en charge ambulatoire.
Et, cerise sur le gâteau, pour faire des économies dans les structures de soins, il suffit de réduire de 10% les effectifs du personnel soignant, une « solution » qui aura des effets macro-économiques aussi considérables que prévisibles.
Nous faisons fausse route : il importe de commencer par la définition des problèmes, la détermination des besoins sanitaires de la population, le calcul des coûts des réformes (ce serait la moindre des choses !) avant d’entreprendre des restructurations qui pourraient se révéler aussi inefficaces que coûteuses. Et nous ne considérerons pas que mettre 10% des effectifs soignants au chômage soit une solution économiquement rationnelle, même si elle aboutit au final à une réduction des primes d’assurance maladie !
Il est à craindre que le citoyen – contribuable – assuré neuchâtelois soit aussi en bien mauvaise posture, tout simplement parce que les effets du principe d’entropie ne sont pas pris en considération : sous prétexte de mettre de l’ordre dans les finances publiques, le gouvernement crée un désordre plus important dans les finances privées, et entraîne un démantèlement des systèmes sociaux, éducatifs et sanitaires.
Espérons que cet arrêt sur image ne soit pas une chronique annonciatrice d’un arrêt dans le mur.
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